QUATRIEME PARTIE – REGULATEURS DES LOCOMOTIVES MECANIQUES

 

LE TRAIN-JOUET FRANÇAIS ET ETRANGER :

ASPECTS TECHNIQUES ET BREVETS D’INVENTION DEPOSES

 

 

LES REGULATEURS MONTES SUR LES LOCOMOTIVES MECANIQUES ET LES BREVETS D’INVENTION DEPOSES

PREMIER DEVELOPPEMENT

 

 

 

SOMMAIRE : (pour atteindre directement chacun des paragraphes, cliquer sur son intitulé)

Préambule

1ère réflexion : le premier inventeur n’était pas celui que l’on croit

2ème réflexion : la France, de son coté, n’a pas démérité à l’époque considérée

3ème réflexion : et Outre-Atlantique que se passait il à l’époque ?

 

Pour lire la suite (ou second développement) consacrés aux régulateurs de vitesse montés sur les locomotives mécaniques …. cliquer ici

 

Cette suite comprendra une :

- une 4ème réflexion donnant un bilan en la matière, et

- un complément technique montrant des régulateurs réels montés à l’intérieur de locomotives.

 

 

 

Préambule

 

 

 

A la page 117 du remarquable ouvrage de Udo BECHER et Werner REICHE (UB-WR), intitulé « Evolution Technique des Trains Jouets 1830 – 1930, leur fonctionnement », Edition loco-revue 1982, sont présentés de magnifiques croquis de cinq régulateurs de vitesse automatiques, montés avant 1914 sur leurs locomotives à mouvement d’horlogerie, par les firmes MARKLIN, BING, PLANK et CARETTE.

 

 

Les auteurs nous expliquent que « le point commun de tous ces systèmes est que la régulation de vitesse (il s’agit d’un freinage) s’opère par transfert d’énergie ; c'est-à-dire qu’une partie de l’énergie de propulsion est absorbée, au-delà d’une certaine vitesse de rotation du moteur, par le régulateur centrifuge qui agit en frein. ».

 

Sur les moteurs mécaniques de qualité, il est absolument nécessaire que l’énergie de propulsion emmagasinée dans le ressort soit restituée régulièrement, si non le ressort se détend trop rapidement et le mouvement résultant de la locomotive fait plus penser à une souris mécanique qu’à un train. De plus les locomotives gulées possédaient une vitesse maximale raisonnable et pouvaient parcourir une distance plus longue.

 

Des recherches ont été conduites par les firmes qui ont abouti à équiper chaque machine de régulateurs efficaces et souvent brevetés pour pouvoir contrôler au mieux la concurrence (au moins) pendant la vie du brevet.

 

 

 

1ère réflexion : le premier inventeur n’était pas celui que l’on croit

 

 

 

Dans la littérature spécialisée de l’époque et celle de maintenant, c’est surtout le régulateur de vitesse de MARKLIN (croquis n° 1 de l’ouvrage de UB-WR) qui est mis en avant et présenté comme un « ingenious brake-system ».

 

Malgré des recherches intensives menées, nous ne sommes pas arrivés à trouver dans la littérature un brevet de MARKLIN ayant visé à protéger le régulateur de vitesse en question et/ou le moteur à ressort comprenant ce dispositif. Pareille protection était pourtant bien annoncée par la firme MARKLIN aux pages 41 et 45 d’un de ses catalogues édités vers les années 1911 à 1914.

 

Nous montrons ci-après des extraits dudit catalogue dont l’un montre une coupe de la locomotive mécanique R 1021.

 

Légende

 

c. cliquets d’arrêt.

d. tige de dégagement du frein.

i. embrayage pour marches avant et arrière.

m. tige de changement de vitesse.

n. embrayage des petite et grande vitesses.

o. régulateur centrifuge automatique évitant les déraillements.

r. essieu moteur.

s. roue motrice.

 
  

 

Pour expliquer cette possible absence de brevet, l’hypothèse a été émise selon laquelle le régulateur centrifuge considéré ici n’était pas le résultat de la concrétisation et de la mise en pratique de recherches faites par MARKLIN dans ce domaine de la technique, mais était plutôt le résultat d’un transfert de technique, à MARKLIN, de la part d’un autre inventeur.

 

Nous présentons ci-après les éléments (e1), (e2) et (e3) nous portant à penser que cet autre inventeur était Frank HORNBY et que le transfert de technique était bien venu de lui.

 

 

Elément (e1) :

 

 

C’est dans le brevet anglais GB 1912-21117 (A), demandé le 17 septembre 1912 par Frank HORNBY et accordé le 24 juillet 1913 que l’on trouve décrit et revendiqué un des premiers modèles de mouvement d’horlogerie pour locomotive mécanique, comprenant un système approprié d’engrenages, un mécanisme approprié de contrôle équipé d’un frein et d’un régulateur de vitesse (pris en général), pouvant consister par exemple en un régulateur centrifuge, et un levier approprié pour inverser le sens de la marche.

 

  

 

Légende :

 

Figure 2 : vue de face du moteur, l’observateur regardant de la gauche de la figure 1 et la plaque de gauche étant enlevée. Le régulateur centrifuge est le dispositif 9 : les deux masselottes du régulateur, qui ont un certain jeu sur leurs axes, sont calées sur le pignon 8 qui commande leur rotation. Ledit pignon engrène sur un autre pignon référencé (lui aussi) 8 qui a un rôle multiplicateur afin que le régulateur tourne vite dans le but de permettre de réguler sans secousse. On voit aussi la patte, non mobile, de fixation du régulateur qui sert en plus de piste de friction pour les masselottes.

 

Figure 1 : montre le régulateur vu en coupe.

 

Figure 4 : représente le détail de la partie mobile du régulateur en vue de face où l’on voit les deux masselottes 11 (coulissantes et maintenues avec un petit ressort) calées sur l’axe central du régulateur et le pignon 8 qui commande la rotation du régulateur.

 

Figure 5 : représente la même partie mobile mais en vue de gauche où l’on voit les deux masselottes 11 et leur petit ressort et l’axe central du régulateur.

 

La patte de fixation du régulateur qui sert aussi de piste de friction pour les masselottes n’est pas représentée ici sur les figures 4 et 5. La pièce 10 montrée sur les figures 4 et 5 est le plateau de freinage constitutif du dispositif de frein monté dans le moteur.

 

 

Pour accéder au brevet anglais GB 1912-21117 (A) original et complet avec ses figures, ……. cliquer ici

 

 

Elément (e2) :

 

 

MARKLIN est connu pour avoir eu des relations commerciales avec Frank HORNBY, MECCANO LTD, MECCANO FRANCE LTD et MECCANO COMPANY INC entre les années 1911 à 1914 et c’est probablement dans le cadre de ces relations que le transfert de technique a dû intervenir. Pendant cette période, on rapporte que MARKLIN a produit sous licence et fournis à l’ensemble HORNBY/MECCANO environ 60 000 moteurs à ressort appartenant aux types « Moteur à ressort Meccano No 1, 1A et 2 » et il est probable que les moteurs fabriqués après le dépôt du brevet HORNBY en 1912, ont été équipés d’un dispositif régulateur.

 

Légende :

 

Moteur Meccano n ° 2, version.1912, fabriqué par MARKLIN et marqué «MADE IN WURTEMBERG ».

 

 

 

Elément (e3) :

 

 

Le régulateur de vitesse de MARKLIN conforme au croquis n° 1 décrit dans l’ouvrage de UB-WR est globalement identique à celui décrit dans le brevet HORNBY ; cela tient essentiellement à l’existence des points de ressemblances suivants :

 

- la structure de la partie mobile du régulateur : on retrouve chez MARKLIN le même système de masselottes coulissantes maintenues par un petit anneau ressort métallique (savamment taré pour s’opposer à la force centrifuge) que chez HORNBY,

 

- la structure de la partie fixe du régulateur : on retrouve chez MARKLIN quasiment la même patte fixe que chez HORNBY.

(comparer croquis n° 1 de l’ouvrage de UB- WR avec les figures 2, 4 et 5 du brevet anglais)

 

En définitive, le régulateur de MARKLIN fonctionnait de manière centrifuge comme celui conforme à l’enseignement du brevet HORNBY en produisant un résultat identique et, de ce fait, on ne peut pas considérer que MARKLIN ait fait, en matière de régulateur centrifuge, une œuvre inventive marquée.

 

 

 

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2ème réflexion : la France, de son coté, n’a pas démérité à l’époque considérée

 

 

 

La firme CR a procédé, 17 mois avant HORNBY, en avril 1911, aux dépôts de deux titres de propriété industrielle forts pertinents qui plaçaient cette firme, à l’époque, dans le peloton de têtes des inventeurs en matière de conception de régulateur centrifuge pour locomotives mécaniques.

 

 

1) Premier titre : brevet français FR 428 314 (A), demandé le 10 avril 1911, délivré le 19 juin 1911 et publié le 28 août 1911 ; l’invention vise un perfectionnement apporté aux jouets mécaniques, qui peuvent être des véhicules roulant ou non sur rails, animés par un moteur à mouvement d’horlogerie.

 

Ce perfectionnement réside dans un dispositif dit « modérateur du mouvement », constitué par la combinaison d’un régulateur de mouvement (pièce B ; par exemple une simple masse tournante) avec un frein dont la course est réglable (pièce C) et qui freine le régulateur au moyen d’une lame ressort (pièce G).

 

  

 

Légende :

 

Figure 1 : élévation de profil.

Figure 5 : élévation à plus grande échelle montrant le fonctionnement.

 

A : mouvement d’horlogerie figuré schématiquement.

B : régulateur (actionné par A) représenté par une simple masse tournante.

C : dispositif de freinage faisant un mouvement de montée ou de descente.

D : tige filetée passant à travers la plaque E1 via l’écrou E (peut représenter le sifflet d’une loco).

F : coude que forme la pièce C sur lequel est monté un plan incliné G (par exemple une lame ressort).

K : coulisse guidant la montée et la descente de la pièce C.

 

En montant/tirant l’ensemble D et E, on provoque la montée de la pièce C et le plan incliné G vient alors en contact avec le régulateur B, modérant ainsi par friction le mouvement. Plus on monte/tire, plus on augmente la course ascensionnel de C et plus le moteur est freiné.

 

 

Pour accéder au brevet FR 428 314 (A) original et complet avec ses figures, ……. cliquer ici

 

 

2) Second titre : 1ère addition FR 14098 (E) au brevet français précédent FR 428 314 (A) (dit brevet principal), demandée le 10 avril 1911, délivrée le 1er juillet 1911 et publiée le 11 septembre 1911 ; dans cette invention, le dispositif modérateur de mouvement selon l’enseignement du brevet principal est appliqué à un véhicule roulant sur rail et modifié pour fonctionner automatiquement.

 

Dans un premier objet de l’invention, le frein (pièce C) est modifié pour être actionné, non plus à la main comme dans le brevet principal, mais par un système de commande en liaison avec une butée convenable montée sur la voie (pièce L).

 

L’invention porte encore, dans un second objet (et c’est là que se situe l’aspect vraiment innovant des inventions de CR), sur l’emploi comme régulateur de mouvement d’une nouvelle pièce B consistant dans un régulateur centrifuge particulier constitué de deux segments (pièces B1 et B2) pouvant s’écarter et maintenus par un ressort compensateur (pièce b5).

 

  

 

Légende :

 

Premier objet selon figure 1. L’équerre P en butant contre la partie o du dispositif M actionne la pièce C (elle monte) par l’intermédiaire de la bielle c1 et la lame ressort G vient alors en contact avec le régulateur B, ce qui freine le mouvement.

 

Second objet  selon figure 3. Montage d’un régulateur centrifuge particulier qui est constitué par deux segments B1 et B2 : (i) maintenus par un ressort compensateur b5 et (2i) s’écartant simultanément (en tournant autour de leurs axes respectifs b2) sous l’action de la force centrifuge (mouvement contrôlé par les coulisses b4 et les goujons b3 d’arrêt) pour venir en contact avec la rampe G en modérant de ce fait la vitesse de rotation du moteur.

 

 

Pour accéder au certificat FR 14098 (E) original et complet avec ses figures, ……. cliquer ici

 

 

A noter que les deux brevets de CR, qui ont été publiés à des dates (respectivement les 28 août et 11 septembre 1911) bien antérieures à la date de dépôt du brevet anglais de HORNBY (17 septembre 1912), constituaient un art antérieur valablement opposable au brevet HORNBY. La conséquence en est alors la suivante :

 

- les brevets de CR viennent limiter la portée de l’invention ultérieure brevetée par HORNBY,

- cette dernière est restreinte à ce qui est vraiment nouveau par rapport aux enseignements de CR, c'est-à-dire à l’emploi d’un régulateur centrifuge d’un autre type de conception, celui où la partie mobile comprend deux masselottes cylindriques coulissantes maintenue par un petit anneau ressort métallique et où la partie non mobile est la patte de fixation du régulateur et sert aussi de piste de friction pour les masselottes,

- et elle ne peut pas aller au-delà et couvrir, comme on aurait pu le penser, l’emploi d’un quelconque régulateur pris en général, centrifuge ou non.

 

Certains lecteurs pourraient être étonnés de ne pas voir mentionnée dans ces lignes la firme JEP, ou plutôt dite à l’époque JP, JdP ou JdeP. Cette firme a su, certes, mettre au point et monter sur ses locomotives à ressort des régulateurs efficaces.

 

Mais sauf erreur de notre part (s’il y a erreur, merci le cas échéant de nous la signaler), pareil dispositif de régulation de vitesse n’était pas un régulateur de type centrifuge. Il s’agissait d’un autre dispositif consistant dans un mécanisme de contrôle équipé d’un levier de freinage mobile autour d’un axe et susceptible de s’appliquer contre un disque (ou plateau de freinage) constitutif du régulateur, de façon à agir progressivement sur la marche du mouvement d’horlogerie jusqu’à son arrêt. Un brevet demandé par JP en 1907, le FR 388 830 (A), décrit ce mécanisme de contrôle du mouvement.

 

 

Pour accéder au brevet FR 388 830 (A) déposé par JP, ……. cliquer ici

 

 

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3ème réflexion : et Outre-Atlantique que se passait il à l’époque ?

 

 

 

Nous avons écrit plus haut que la firme CR se plaçait dans le peloton de têtes des inventeurs en matière de conception de régulateur centrifuge pour locomotives mécaniques. Cette firme occupait incontestablement la première place en Europe, mais, si on élargissait le débat en traversant l’Atlantique, elle passait alors à l’époque en seconde position, en terme de date de prise de brevet, juste derrière la firme américaine IVES.

 

On expliquera plus loin que CR, bien qu’étant second dans l’ordre des prises de brevets, est tout de même en tête en terme d’efficacité du dispositif régulateur.

 

La firme IVES a en effet demandé le 6 octobre 1908 un brevet US, publié après accord le 4 avril 1911 (c'est-à-dire 6 jours avant les dépôts de CR) sous le n° US 988 940 (A) visant à protéger aussi un régulateur de vitesse centrifuge (pièces 21 et 26) pour véhicule jouet animé par un moteur à ressort.

 

  

 

Légende des photos :

 

Figures 1, 3 et 5 : les masses régulatrices chez IVES sont réduites à un simple ressort 21 et une tête 26 faisant fonction de masselotte ; la force centrifuge déforme le ressort 21 et la tête-masselotte 26 (qui peut être remplie de soudure pour l’alourdir) vient taper un ou deux obstacles en l’occurrence l’axe 25 ou l’axe 14 qui sont dans les champs de rotation de la tête-masselotte 21, ce qui provoque le freinage.

 

Figure 4 : vers la fin de sa description, IVES préconise, à titre de variante de mise en œuvre de son invention, un régulateur à deux systèmes ressort 21 + masselotte 26, tel que montré dans la figure 4. Cette variante est plus intéressante car une seule masselotte va engendrer des vibrations.

 

Comme le freinage des masselottes ne s’effectue pas par friction sur une surface appropriée (comme chez CR, HORNBY, MARLKIN), mais par cognement (IVES utilise le mot « strike ») sur un obstacle ou deux, il en résulte que la marche du véhicule équipé tant du régulateur selon la figure 3 que du régulateur selon la figure 4, devait faire du bruit et vibrer généreusement.

 

 

Pour accéder au brevet US 988 940 (A) original et complet avec ses figures, ……. cliquer ici

 

 

A noter que le brevet US de IVES, qui a été publié avant le 10 avril 1911 (date des dépôts des brevets CR) constituaient, à son tour, un art antérieur valablement opposable aux deux brevets CR. La conséquence en est alors la suivante :

- le brevet de IVES vient limiter la portée des inventions secondes en date brevetées par CR,

- ces dernières sont restreintes à ce qui est vraiment nouveau par rapport à l’enseignement de IVES, c'est-à-dire à l’emploi d’un dispositif modérateur du mouvement constitué par la combinaison nouvelle (i) d’un régulateur centrifuge constitué par deux segments B1 et B2 maintenus par un ressort compensateur b5 avec (2i) un frein réglable sous forme d’une lame ressort G,

- et elles ne peuvent pas aller au-delà et couvrir (comme prévu à l’origine par CR) l’emploi d’un quelconque régulateur à base d’une simple masse tournante.

 

 

 

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